Puisque c’est l’actualité en ce moment, avant même de vous raconter quoi que ce soit de plus général, quelques mos sur une élection américaine un peu différente de celle que vous avez connue.
Vue d’Afrique.
Peut-être vos informations vous l’ont-elles moins asséné que les nôtres, quoique sans doute considérablement (il faut bien remplir 24 heures pleines d’inforabachage par jour), mais Barack Obama est Kenyan. Non, pas d’origine kenyane : ici, ça ne veut rien dire. Il est kenyan, comme nous seront togolais dans quelques mois, si tout se passe bien. Du reste, il a réellement connu le Kenya autrement qu’en visite officielle, ce qui est un point de vue autrement plus intéressant que celui de la plupart des chefs d’Etats. Et il a vécu en Malaisie, nous dit-on. Cela dit, cette connaissance n’est pas l’élément essentiel qui suscite ici des réactions. Il est noir, et c’est déjà suffisant pour lui assurer la sympathie de tous. Ce matin, le directeur du collège m’a dit qu’il avait suivi l’élection jusqu’à 4 h du matin pour être sûr qu’Obama l’emportait. Vous avez écouté « Obama » par la compagnie créole ? Nous avons mieux : la musique du Burkina, du Cameroun, un déhanché nommé en son honneur dans des boîtes de nuit, des émissions de soutien, des messes, des sacrifices propitiatoires… On peut répéter tout ce qu’on veut sur la signification de l’évènement pour les Etats Unis, resituer les choses dans un contexte global, etc – ce n’est pas ce qui compte, ici. D’ailleurs, la ségrégation, le racisme ordinaire ou extraordinaire, ça ne veut rien dire, en Afrique, ce ne sont que des images de ce qu’ils ressentent profondément : une espèce d’infériorité essentielle, indépassable, et que des mots comme « racisme », « ségrégation », « esclavage », ne font que renforcer, comme des miroirs placés à l’étranger, loin, mais tout autour d’eux pour les empêcher de sortir de leur continent ou de leur condition.
Ce matin, ils avaient tous l’air de se sentir libérés de quelque chose. Pour eux, les potentialités de réussite, tout à coup, ce n’est pas « au mieux infirmière en France qui envoie de l’argent dans son pays », c’est président des Etats-Unis. Bien sûr, ça n’a pas de sens, ce n’est pas vrai, Obama est américain, ils sont toujours aussi loin de tout, et ce que vous voudrez… mais ils ont l’impression que le problème, ce n’est plus quelque chose d’aussi immuable que la couleur de leur peau. Ca compte. On les comprend.
Oh, et quelques intellectuels parlent aussi de guerre en Irak, en Afghanistan, de politique étrangère ; ils essayent d’évaluer ce que la présidence démocrate pourrait y changer… entre deux sourires qui n’ont rien à voir avec ces questions. Ils réfléchissent. Puis ils soupirent, et vous disent : « Mais c’est émouvant, quand même. »
A la prochaine !
Elise
PS : Ici aussi, on entend parler de Sarkozy plusieurs fois par jour. Pas vraiment en bien. Sauf peut-être une fois, par Clémentine, qui le plaignait : elle accusait sa femme de l’avoir lâchement quitté au moment où il avait besoin d’elle.
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