La Valise en carton -

Les diverses sources d’information que nous avons consulté avant notre départ au Togo ne nous ont donné que peu de détails sur les religions. Le message se résume souvent, à quelques variantes près, à une série de chiffres : « 25 % de chrétiens, 25% de musulmans, 50 % d’animistes ».

Pourtant, le voyageur fraîchement débarqué à Lomé, qui se promène un peu dans la ville puis dans le sud du pays, s’étonne : il voit autour de lui des églises, des églises et encore des églises ; parfois catholiques, parfois protestantes, mais des églises tout de même. Il y aurait-il une forte majorité de chrétiens au Togo ?

En fait, au bout de quelques heures, on finit tout de même par remarquer les musulmans. L’œil s’exerce vite à repérer les mosquées, les fez et les hommes en tunique longue. Un voyage dans le nord du pays inversera même la tendance constatée à Lomé et dans ses environs : plus l’on monte, plus les mosquées se font nombreuses, jusqu’à constituer la grande majorité des édifices religieux.

On ne met pas longtemps non plus à remarquer la grande diversité des églises protestantes : baptistes, évangéliques, mais aussi adventistes du septième jour, assemblées de Dieu, etc., chacune se signalant par des pancartes au bord des routes.

Il faut prendre le temps du voyage, et parcourir une ville ou un village avec un guide pour voir une face plus cachée du Togo. Seul un habitant du cru pourra vous montrer les autels vaudou, vous parler des oracles et des féticheurs, vous expliquer ce qu’il faut apporter au charlatan pour qu’il puisse charlater convenablement. Bien que les animistes soient généralement discrets, et que l’œil non exercé glisse facilement sur les autels vaudou sans les voir, nous avons eu l’impression que les animistes étaient moins nombreux que ce qu’affirment les guides. Mais peut-être est-ce plus visible dans les villages, et moins dans les villes…

Ce n’est qu’au bout de quelque semaines que l’on finit par s’étonner de certaines affiches, enseignes ou inscriptions qui fleurissent parfois le long des rues. Ici la salle de réunion de la « Communauté des élus de dieu pour le partage et la foi » (qui promet une « puissance comme au temps de l’église primitive »), de nombreuses revues des Témoins de Jéhovah dans la salle d’attente du photographe d’à côté, une pancarte « Eglise Piller l’enfer pour peupler le ciel », des affiches invitant à venir découvrir Eckankar, la religion de la lumière et du son de Dieu ECK… Nous avons même croisé à Lomé le siège de l’ordre de la Rose-Croix au Togo, et celui d’un groupe bizarre centré sur Kuladini. Les petites sectes de ce genre sont légion au Togo, et on a l’impression que chacune a voulu ouvrir son antenne dans les principales villes du pays.

Ces sectes font donc partie du paysage, et n’étonnent ni ne scandalisent personne. J’ai assisté à des discussions religieuses entre trois professeurs de Kpodji, discussions d’ailleurs tout à fait pacifiques — mais il ne me surprendrait pas qu’un des participants soit chrétien, l’autre Témoin de Jéhovah, et que le troisième passe ses dimanches aux assemblées d’Eckankar.

Les guides touristique parlent souvent d’une certaine interpénétration des religions, en mentionnant que les gens sont souvent chrétiens et animistes, par exemple. J’ai à vrai dire peu remarqué cette interpénétration : les musulmans m’a-t-il semblé, sont exclusivement musulmans, les chrétiens exclusivement chrétiens… La fraction animiste de la population est assez discrète — malgré tout, nous avons eu l’impression que les animistes n’étaient pas si prompts à partager les croyances ancestrales avec une autre religion.

En revanche, à défaut de vraie interpénétration, on n’hésite pas à faire des emprunts ou des parallèles avec la religion du voisin. Georges, qui nous a fait découvrir différents vaudous à Atakpamé, nous parlait avec le plus grand naturel du vaudou du fer, Ogou — qui, nous expliquait-il, est le même personnage que Saint-Georges pour les chrétiens. Je veux bien le croire ; et en général, bien sûr, personne ne s’en étonne ni ne s’en formalise. Ces parallèles m’amusent toujours — et ils nous font entre autre mieux distinguer ce qui tient de la mythologie dans notre environnement familier. Et puis vu l’état de la culture dans les zones les plus urbanisées, ce continuum entre la culture traditionnel et les nouvelles religions est le bienvenu.

En revanche, ces diverses petites sectes qui installent leur bureau au Togo semblent plus se nourrir du vide spirituel des villes — un peu comme chez nous. Là, pas d’interpénétration, pas de lien… Et même si cette présence est beaucoup plus bénigne et acceptée qu’ailleurs, c’est sans doute le symptôme de quelque chose de plus profond.

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