Je viens de procéder au rangement de notre valise de médicaments, car j’étais lasse de la pagaille qui y régnait – et un peu pour retrouver le thermomètre, qui s’était vilement dissimulé sous une compresse. Tous ceux qui, accoutumés à mes hyperboles grouillantes, sourient en imaginant une valise de médicaments… tous ceux-là se trompent. C’est une grosse valise. Elle prenait autant de place et de poids durant le voyage aller que toutes mes affaires, violon exclu, ou que l’ensemble des affaires de Pierre.
Je constate à cette occasion qu’après quatre mois de séjour, notre stock s’est légèrement amenuisé, et prend moins de place qu’à l’arrivée. C’est donc le moment que je choisis (et pourquoi pas ?) pour infliger à tous quelques conseils qui ne seront utiles que pour ceux qui envisagent un voyage de longue durée dans un pays tropical.
Premier conseil : il est utile d’avoir un parent médecin. Il vous fournira toute sorte de choses plus ou moins nécessaires, en quantités exagérées, mais gratuites. Prenez garde, car les études de médecine sont assez longue. Il faut donc prévoir son voyage très à l’avance, et être prêt à quelques sacrifices – personnels, ou de la part d’un membre de sa famille – pour sa bonne préparation.
Second conseil : on ne peut pas s’équiper pour tous les cas, mais on suit une saine asymptôte en acceptant d’emporter tous les « au cas où » qui nous sont présentés. Les seuls objets qui me semblent réellement inutiles dans la valise sont : les seringues (!), le truc mutant en gel bleu qui passe au congélateur et au micro-onde ou au bain-marie pour servir de glaçon ou de bouillote, les dosettes individuelles de liquide antiseptique qui font réellement double emploi avec la biseptine. Et peut-être les dosettes Dermabond, dont je n’oserai sans doute en aucun cas me servir – quoique, sous la menace de devoir faire confiance aux hôpitaux d’ici… Le reste (nombreuses compresses, toute sorte de bandes, pansements, médicaments antalgiques, antibiotiques divers, inévitable doxicycline, etc) a ou pourrait nous être utile, y compris de façon peu imaginable à l’avance. Notamment, les conditions d’hygiène étant souvent déplorables, chaque petite blessure demande beaucoup plus d’attention qu’on ne lui en prêterait en Europe. A défaut de quoi, les écorchures se transforment en abcès – ici les gens ont des « abcès », ils vous disent ça à peu près avec la fréquence des grippes de chez nous, et c’est plutôt impressionant. Il paraît que c’est lié à des larves de je ne sais quoi sous la peau. Ca ne me fait pas trop envie. De saines application et protections antiseptiques barrent efficacement la route à ces désagréments.
Troisième conseil : en revanche, ne comptez pas trop sur la possibilité d’un leg généreux de ce stock avant de partir. Nous avons pu largement constater ici que tout don peut devenir l’objet de combines ou de trafics divers. Je ne sais pas ce que nous allons faire de tous nos médicaments, mais il est possible qu’une partie rentre en France avec nous, si nous ne sommes pas certains de leur utilité là où nous les laisserons.
Ce que sachant, je recommanderais de ne pas stocker de quantités démesurées. C’est une fois sur place, et selon les conditions exactes de l’installation, qu’on se rend compte de certains besoins : on peut alors se rendre bien en avance à la grande ville la plus proche, dans une pharmacie de confiance (« les vrais médicaments se trouvent en pharmacie », comme disent les enseignes d’ici), pour renouveller ou augmenter les quantités de tel ou tel remède. Par exemple, quatre boîtes de Spasfon, ou huit boîtes d’amoxicilline sous différentes formes, c’est un peu exagéré.
Pour information, Pierre et moi utilisons à peu près trois aérosols (100 mL, perméthrine 4%) chacun pour chaque traitement de l’ensemble de nos vêtements – toutes les six semaines, donc. Je n’ai trouvé l’information nulle part avant le départ. Les aérosols SMI sont beaucoup moins malodorants que les produits de trempage « insect’ecran » que nous avons utilisés avant de partir. Au quotidien, ça fait une réelle différence.
Quatrième conseil : rien ne sert de psychoter. Beaucoup de gens tombent malades par imprudence. Si on applique un certain nombre de règles dictées par l’hygiène et le bon sens, on réduit de beaucoup les risques. En cas de maladie, en revanche, mieux vaut aller directement dans un centre de soin de qualité extrêmement bonne par rapport à la moyenne ; sinon, on vous diagnostique (sans examens) une fièvre typhoïde, ou un palu. C’est ce qui est arrivé à presque tous les volontaires qui se sont rendus à l’hôpital parce qu’ils ne se sentaient pas très bien. Or, aucune analyse n’avait été faite. Récemment, une volontaire à qui on avait diagnostiqué et soigné quatre fois la fièvre typhoïde est allée voir un médecin allemand, à Lomé, qui a prescrit des analyses… on n’a trouvé aucun anticorps de mémoire. Méfiance, donc !
Tags: conseils, santé
mars 16th, 2009 at 19:53
Bravo pour cette analyse;malgré tout c’est gratifiant pour ceux qui vous ont conseillé et aidé à la constitution de votre « boîte » à pharmacie.
effectivement les règles d’hygiène de base restent le fondement de la prévention des différentes maladies;l’homme et son système immunitaire s’adaptent à l’environnement et quand les européens arrivent en afrique ,ils sont plus vulnérables.
l’idéal serait de confier ce qui vous reste comme remèdes et autres produits à des personnes de confiance qui pourront en faires profiter les démunis car il ne sert à rien de rapporter les médicaments qui ne seront pas utilisés ici alors qu’il peuvent être utile pour aider des malades sans ressource.
Les larves dont tu parles et qui peuvent être à l’origine d’abcès ,ne serait-ce pas simplement une bilharzie,parasite ou schistosome qui se développe dans les eaux stagnantes et provoque des affections intestinales ou urinaires en penétrant au travers de la peau ?
Bon courage !!!!!!!
mars 20th, 2009 at 9:23
Je crois que ce sont plutôt les larves d’insectes qui peuvent se promener sur les vêtements qui sèchent, la nuit, si on oublie de les rentrer. Alors que les bilharzies vivent dans l’eau…
Quant à trouver une personne de confiance… pour des questions de stock potentiellement précieux, je n’ai vraiment confiance en personne ici. Et alimenter le marché noir est la dernière de mes ambitions.
D’où la question : existe-t-il un lieu ici où les médicaments seront utilisés pour les plus démunis, et où on ne les fera pas d’office payer au prix fort ?